ACCORD SUR LA PREVENTION DU STRESS PROFESSIONNEL ET DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX DANS LES TELECOMMUNICATIONS

Au delà de la définition du stress au travail donnée par l’Accord National Interprofessionnel du 2 juillet 2008 et par l’accord européen du 8 octobre 2004, les parties signataires tiennent à tracer le cadre général de leur réflexion autour de la santé au travail et s’inscrivent dans la cohérence et la logique des dispositions des articles L 4121-1 et suivants du code du travail issus de la loi du 31 décembre 1991.

Elles conviennent que l’action de l’entreprise doit viser à ne pas être à l’origine de troubles psychosociaux dans le domaine des relations collectives du travail et qu’elle peut être amenée à prendre des dispositions spécifiques, lorsque des situations particulières peuvent lui être signalées.

Elles entendent se fixer des objectifs volontaristes liés à la santé au travail, sans que l’entreprise ne puisse en aucune manière s’engager dans la sphère individuelle et la vie personnelle du salarié.

En conséquence, le présent accord tend à développer ou illustrer des bonnes pratiques en ce qui concerne le stress dans sa dimension collective et/ou liée à l’organisation du travail.

Il vise à augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress au travail par les entreprises, les salariés et leurs représentants afin de prévenir, détecter et remédier aux problèmes de stress professionnels.

Il a pour objectif de préconiser des modes d’organisation, de gestion du personnel et de comportements collectifs visant à supprimer et, à défaut, réduire les facteurs de stress ainsi qu’à mettre en place des procédures adaptées pour accompagner les situations individuelles critiques ou des situations qui marqueraient des dysfonctionnements dans les relations hiérarchiques ou collatérales.

Les Institutions représentatives du personnel, lorsqu’elles existent, sont associées à la mise en œuvre de ces mesures.

Article 1 : Description du stress au travail et des risques psychosociaux qui y sont liés

Les parties signataires conviennent de s’approprier la description donnée par l’ANI :

« Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres capacités pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses.

En outre, différents individus peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et un même individu peut, à différents moments de sa vie, réagir différemment à des situations identiques. Le stress n’est pas une maladie mais une exposition prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et peut causer des problèmes de santé.

Le stress d’origine extérieure au milieu du travail peut entraîner des changements de comportement et une réduction de l’efficacité au travail. Toute manifestation de stress au travail ne doit pas être considérée comme stress lié au travail. Le stress lié au travail peut être provoqué par différents facteurs tels que le contenu et l’organisation du travail, l’environnement de travail, une mauvaise communication etc.… »

Les risques psychosociaux, d’origine interne ou extérieure au milieu du travail, peuvent se manifester sous des formes multiples, et parfois conjuguées, comme notamment, le mal-être, la dépression, les troubles du sommeil, etc.….

Article 2 : Identification des facteurs de stress professionnels

Des facteurs de stress peuvent être présents tant dans le contenu que dans le contexte de travail, voire dans l’environnement extérieur.

A titre d’illustration et sans caractère exhaustif, au sein des domaines énumérés ci-après, certains facteurs peuvent constituer des signes susceptibles de révéler un état de stress au travail pour des individus, tels que:

1) L’organisation et les processus de travail : dépassements excessifs et systématiques d’horaires, degré d’autonomie, mauvaise adéquation du travail à la capacité et aux moyens mis à la disposition des salariés, charge de travail réelle manifestement excessive, objectifs disproportionnés ou mal définis, mise sous pression systématique qui ne doit pas constituer un mode de management, manque de reconnaissance du travail effectué,appartenance à un secteur fortement concurrentiel qui peut avoir des conséquences sur la fréquence des réorganisations etc…

2) Les conditions et l’environnement de travail : exposition à un environnement agressif, à un comportement abusif, au bruit, à une promiscuité trop importante pouvant nuire à l’efficacité, à la chaleur, à des substances dangereuses, contraintes de transport, difficultés de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, etc….

3) La communication : incertitude quant à ce qui est attendu au travail, perspectives d’emploi, changement à venir, mauvaise communication concernant les orientations et les objectifs de l’entreprise, communication difficile entre les acteurs,situations de tension ou d’agressivité, etc….

4) Les facteurs subjectifs : pressions émotionnelles et sociales, impression de ne pouvoir faire face à la situation, perception d’un manque de soutien, etc…

L’existence des facteurs énumérés ci-dessus peut constituer des signes révélant un problème de stress au travail. En conséquence, les entreprises sont invitées à analyser la présence éventuelle de l’un ou l’autre de ces facteurs en liaison avec les CHSCT ou à défaut les délégués du personnel.

Dés qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise pour l’éliminer ou à défaut le réduire.

Article 3 : Mesures de Prévention, élimination ou réduction des problèmes de stress au travail

Les entreprises de télécommunications entendent prévenir, éliminer ou réduire les problèmes de stress au travail qui pourraient exister dans le respect des principes de prévention définis par l’article L 4121-2 du code du travail :

1) Eviter les risques ;

2) Evaluer les risques qui ne peuvent être évités ;

3) Combattre les risques à la source ;

4) Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5) Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6) Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou ce qui est moins dangereux ;

7) Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L 1152-1 du code du travail ;

8) Prendre les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9) Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Cela inclut la mise en œuvre de diverses mesures individuelles et/ou collectives, voire concomitantes, en fonction des facteurs qui ont pu être identifiés.

A titre d’illustration, peuvent notamment être mises en œuvre dans les entreprises entrant dans le champ d’application du présent accord :

  • des actions de formation ou d’information pour développer la prise de conscience et la compréhension du stress, de ses causes et de la manière de le prévenir,

Exemples : formation des managers sur la compréhension et l’identification des risques liés au stress, formation sur la gestion des appels difficiles ou à destination des salariés en contact avec le public, formation liée à la gestion de crise d’un évènement,….

  • des mesures destinées à favoriser la communication interne au sein de l’entreprise,

Exemples : connaissance des attentes de l’entreprise au regard du poste occupé, clarification du rôle et de la place du salarié dans l’entreprise, espaces de discussion,……

  • des mesures visant à favoriser la conciliation vie professionnelle/vie personnelle des salariés de l’entreprise,

Exemples : politique spécifique destinée aux parents de jeunes enfants, covoiturage, télétravail, conciergerie, encadrement des horaires de réunions,…..

  • des mesures d’accompagnement concertées des évolutions professionnelles,

Exemples : visibilité sur l’évolution des métiers, bilans de compétences, accompagnement dans la construction d‘un projet professionnel, accompagnement à l’occasion d’un changement de poste, aides à la mobilité géographique….

  • des mesures concernant l’organisation et les processus de travail

Exemples : respect des horaires et concertation sur l’organisation du temps de travail, réflexion sur l’adaptation de la charge de travail pour les situations concernées….

  • une attention particulière aux populations fragilisées

Exemples : maintien du contact avec les personnes en situation d’accident du travail ou de maladie professionnelle, entretiens professionnels pour les salariés en temps partiel thérapeutique, les salariés dont l’invalidité est reconnue, les personnes handicapées…..

Lorsqu’une situation de stress au travail est établie et constatée, l’entreprise doit mettre en œuvre une ou plusieurs des mesures visées ci-dessus, ou toute autre mesure jugée appropriée.

Le choix et les modalités de mise en œuvre de ces actions, particulièrement dans les PME et TPE, doivent être guidés par les objectifs d’élimination ou prévention du stress professionnel, mais également par l’histoire et la taille des entreprises.

Les signataires du présent accord conviennent de confier à la « commission de suivi santé au travail et prévention des risques professionnels », instituée au niveau de la branche par l’accord du 14 novembre 2003, la réalisation d’une plaquette pédagogique de communication à destination des entreprises, en particulier petites et moyennes, sur les bonnes pratiques qui pourraient être mises en œuvre.

Article 4 : Formation à la prévention du stress professionnel

Les parties signataires du présent accord conviennent que pour réduire les risques de stress professionnel, il convient d’abord d’agir à la réduction des facteurs de risques en milieu du travail et non uniquement à la gestion de ses conséquences.

Dans ce contexte, il leur parait indispensable d’intégrer cet enjeu le plus en amont possible.

C’est ainsi qu’ils veulent, entre autres, sensibiliser les universités, écoles de commerce et d’ingénieurs partenaires des Télécoms, qui assurent la formation initiale de jeunes qui ont vocation à intégrer les entreprises de la branche, à la nécessité d’investir plus fortement dans la dimension humaine du management et pas uniquement dans les process et les outils de management.

Ils conviennent également de confier à la CPNE l’élaboration d’un module de formation pour les managers de proximité en matière, d’écoute, de dialogue et de gestion dans les rapports de travail. Les parcours de professionnalisation intégrant ce module, ou un module ayant le même objet, bénéficieront d’une priorité de financement dans le cadre des périodes de professionnalisation financées par l’OPCA de la branche.

Article 5 : Responsabilité des employeurs

Conformément aux dispositions des articles L 4121-1 à 5 du Code du Travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

  1. des actions de prévention des risques professionnels,
  2. des actions d’information et de formation,
  3. la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »

Cette obligation couvre également les problèmes de stress au travail dans la mesure où ils présentent un risque pour la santé et la sécurité.

Dès qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou à défaut le réduire.

La responsabilité de déterminer les mesures appropriées incombe à l’employeur.

Tous les salariés ont l’obligation générale de se conformer aux mesures de protection et de prévention déterminées par l’employeur.

Les dispositions prises dans les entreprises et découlant du présent accord sont mises en œuvre sous la responsabilité de l’employeur, après information, et lorsqu’il y a lieu consultation, des Institutions Représentatives du Personnel compétentes.

Article 6 : Rôle des services de santé au travail et des CHSCT

Les acteurs de la prévention sont multiples : employeurs, salariés, services de santé au travail, médecins du travail, assistants sociaux, membres du CHSCT, etc….

Les services de santé au travail ont pour mission de veiller à la préservation de la santé au travail des salariés en prévenant les altérations du fait de leur travail, tout au long de leur parcours professionnel.

Le service de santé au travail est un lieu privilégié d’accueil et d’écoute des salariés. Chaque médecin du travail, dont il est rappelé qu’il est tenu au secret médical, peut mettre en œuvre un suivi pour accompagner les salariés en difficultés dont il a la charge. Le médecin du travail peut solliciter une concertation avec l’entreprise en vue d’examiner les moyens à mettre en œuvre.

Le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés de l’établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail. A cette fin, il lui appartient de procéder à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés.

Le comité contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l’établissement et suscite toute initiative qu’il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer à cet effet des actions de prévention.

Le CHSCT est destinataire du document unique d’évaluation des risques professionnels et de son évolution. Il est informé et consulté dans la priorisation des actions du programme annuel de prévention au même titre que pour toute autre famille de risque.

Article 7 : Suivi de l’accord

Les parties signataires du présent accord conviennent que la commission de suivi de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels dans la branche des Télécommunications assurera le suivi de cet accord, en lien avec la CPNE pour la partie formation.

Article 8 : Hiérarchie des normes

Les entreprises de la branche ne peuvent déroger aux dispositions du présent accord. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que les accords négociés en entreprise comportent des dispositions plus favorables que celles prévues dans le présent accord.

Article 9 : Harcèlement et violence au travail

Les partenaires sociaux de la branche conviennent d’engager en 2010 une négociation sur le harcèlement et la violence au travail en suite de l’Accord National Interprofessionnel du 26 mars 2010.

Article 10 : Champ d’application/Publication/Extension/Durée

Le champ d’application du présent accord est celui défini par le titre I de la convention collective des télécommunications, et son avenant du 25 janvier 2002.

Il est conclu pour une durée indéterminée et prend effet à compter de sa signature

Il fera l’objet des formalités de dépôt et de publicité prévues à l’article L.2231-6 du code du travail.

Les parties conviennent d’en demander l’extension.

Article 11 : Dénonciation/révision

Le présent accord peut être dénoncé par l’une des parties signataires employeurs ou salariés avec préavis de trois mois.

Les conditions et les effets de la dénonciation sont ceux prévus aux articles L.2261-10 et suivants du code du travail.

Sans préjudice des dispositions de l’article L.2242-1 du code du travail, chaque signataire ou adhérent peut demander, à tout moment, la révision du présent accord conformément aux dispositions de l’article L.2261-7 du code du travail.

Toute demande de révision présentée par l’un deux devra être portée à la connaissance des autres signataires par lettre recommandée avec accusé de réception et être accompagnée d’un projet sur le ou les articles concernés.

Les négociations débuteront le plus rapidement possible et au plus tard, dans un délai maximum de deux mois après la date de réception de la demande de révision.

Dans le cadre des dispositions de l’article L.2261-8 du code du travail, les modifications adoptées donneront lieu à des avenants se substituant de plein droit aux stipulations du présent accord ou les complétant.

Fait à Paris, le 27 mai 2010

UNETEL-RST
CFDT
CGT
CFE-CGC
CGT-FO
CFTC